Par une douce soirée de printemps en Ille-et-Vilaine, les effluves d’épices mahoraise flottent dans l’air. Les discussions fusent, les rires éclatent, les cœurs battent à l’unisson… ou presque. À une quarantaine de kilomètres au nord de Rennes, dans le paisible hameau de La Chapelle Saint-Aubert, le foot s’invite en roi — accompagné de ses fidèles sujets venus d’Acoua.
Ce samedi, la pelouse n’est pas celle du Parc des Princes ni de Wembley, mais celle d’un jardin spacieux, avec vue imprenable sur les vallons bretons, où les moutons sont presque plus nombreux que les habitants. C’est ici, chez Emman — fan inconditionnel du Paris Saint-Germain — que la magie opère.
Autour d’un écran géant et d’un feu de bois, c’est le Voulé, ce barbecue à la sauce mahoraise, qui ouvre les festivités. La viande crépite, les bananes frites dorent, les « poidza » (beignets locaux) croustillent sous les doigts. L’ambiance est familiale, amicale, et résolument footballistique.
Les jeunes originaires d’Acoua, installés aux quatre coins de la région, ont convergé vers ce petit coin de verdure pour partager plus qu’un match : un moment de retrouvailles, de passion, d’identité. Tous — ou presque — arborent fièrement les couleurs du PSG. Les maillots bleu marine, les drapeaux et les écharpes s’agitent déjà, bien avant le coup d’envoi.
Mais dans l’ombre, quelques irréductibles supporters de l’Olympique de Marseille — « jaloux », comme on les taquine ici — ont choisi de soutenir l’adversaire du soir : l’Inter Milan. Mao, dans un sourire provocateur, lâche : « Je suis fan de l’OM, ce soir je préfère supporter l’Inter, juste pour faire chier le PSG ! » Rires dans l’assemblée, quelques jets de poivron bienveillants, et la tension redescend. Fair-play, avant tout.
Soundi, fidèle au PSG, ne tient plus en place. Il tourne, retourne, marche d’un pas rapide, comme si son stress pouvait influencer les joueurs à des centaines de kilomètres. À ses côtés, son frère Emman, l’hôte du jour, reste confiant : « Ce soir, Paris gagne. Je le sens. »
Les bières se décapsulent en cadence, les assiettes se remplissent, les regards s’impatientent. L’arbitre n’a pas encore sifflé que le spectacle est déjà bien lancé. Entre taquineries, chants, et effluves de brochettes, l’attente devient douce euphorie.
Ici, dans ce bout de campagne bretonne, le foot est un prétexte. Un prétexte pour se retrouver, pour vibrer ensemble, pour affirmer ses couleurs… avec le sourire, avec le goût de l’île aux parfums, et avec l’élégance de ceux qui savent qu’au fond, ce n’est qu’un jeu. Mais quel jeu.
M. Kaya
