Il n’est pas trop trad de stopper la spirale de la délinquance juvénile à Mayotte. Du Nord au Sud en passant par le Centre, nos jeunes font parler d’eux. De manière violente et inquiétante. A chaque fois, c’est une violence inouïe. Une délinquance d’une extrême gravité. Il n’est jamais trop tard d’y mettre fin pour éviter que cela s’envenime.
Hier encore, cette délinquance a frappé. Et elle est dramatique et violente. Elle est dramatique et tragique car elle a ôté la vie – précieuse – à une dame « respectueuse » et respectable. Elle est violente car elle est âprement disproportionnée et excessivement violente. C’est désormais aux coups de machettes, de batte de baseball et de bar de fer que se pratiquent cette délinquance. Des armes blanches dangereuses et inimaginables, il y a quelques années, que nos jeunes n’hésitent guère à s’en user pour régler des comptes. Une violence rare et inouïe. C’est intolérable et inadmissible.
Les conflits intervillageois ont toujours existé mais ils ont toujours été réglés sur le ring des m’ringué intervillageois. Ce fut à coups de poing ferme et habillement mesuré dans une ambiance endiablée des tambours et de chants traditionnels que des hommes fiers et dignes de ce nom s’affrontaient et se chamaillaient. En ambiance bon enfant et en respectueux sens de voisinage, de fraternité et parfois d’amitié que ce concluaient les conflits. Ou par les sages du village ou les foundis respectés et respectables que s’arrangeaient les conflits aussi graves soit-ils ? Aujourd’hui, hélas, les choses prennent tout autres tournures aussi dramatiques que tragiques. Pourquoi et comment sommes-nous arrivés là ? A ce point de spirale de plus en plus insupportable et sensiblement inquiétante.
Ces faits divers dramatiques défraient la chronique. Il y a quelques semaines, nous avons publié dans nos colonnes, les altercations entre les jeunes délinquants d’Acoua et ceux de M’tsangamouji qui se sont soldées par des dégradations des véhicules à Acoua. Hier, c’est à Hamjago que ce fléau intolérable a cogné tragiquement cette fois-ci. Nous espérons vraiment que tout le monde prenne conscience de ce fléau sauvage à bras le cors.
Pour agir efficacement et prévenir en amont la délinquance, il est nécessaire d’engager un travail de proximité avec les familles et un travail collectif au niveau des communes et des villages. Les problèmes des personnes et familles en difficultés, pour certaines précarisées par le chômage, ne peuvent trouver solution dans une approche de repérage ciblé et à des injonctions moralisantes. Seule une volonté d’aides et d’actions globales peuvent apporter des solutions et prévenir efficacement les problèmes de violence et d’incivilités.
D’abord, les parents d’assumer et d’exercer avec fermeté et avec efficacité leurs autorités parentales, d’éduquer et de s’occuper de leurs progénitures. Ensuite aux pouvoirs politiques (conseil départemental, communes notamment) de prendre leurs parts de responsabilité : apporter des réponses collectives au plus près des familles, un renforcement du partenariat au sein du milieu scolaire et la prise en compte directe de la parole des parents, un accompagnement personnalisé des familles en difficulté sur la base d’un contrat passé avec elles par exemple, la prise en compte de la globalité des besoins affectifs, relationnels, financiers, de logement, travail, éducation, santé, loisirs, etc. Une priorité portée à l’accès à l’emploi et au logement, qui sont aujourd’hui les deux causes majeures de difficultés sociales et de désœuvrement des jeunes adultes. Le pouvoir politique est un acteur incontournable de la prévention de la délinquance juvénile.
Enfin, renforcer efficacement lorsqu’elle existe, la vie associative qui crée du lien social inter-générationnel et soutenir des structures des communes et villages tels que les foyers des jeunes ou les centres de loisirs des jeunes en leur fixant des priorités. Les associations dans les communes sont source de dynamisme et de catalyseurs dans la vie locale. Ce sont des réseaux de création de liens et d’utilité sociale. A ces associations ad hoc d’organiser des animations, des groupes de parole pour des parents dépassés ou défaillants, du soutien scolaire, des lieux de jeux et de loisirs et d’apprentissage du lien relationnel. Or ces différentes structures nées d’initiatives associatives et bénévoles ont du mal à survivre et s’institutionnaliser par manque de pérennisation de financements.
Prendre en compte aussi la parole de la population concernée. Dans la recherche de solutions pour prévenir la délinquance, la parole des habitants et de ces jeunes, est certainement à rechercher et à écouter. En prenant appui sur le réseau des différentes structures de terrain, il serait possible de diagnostiquer et de solutionner en amont ce fléau de délinquance juvénile. Des éléments permettant d’appréhender les dérives pour résoudre ces problèmes. Un apport certain et indispensable à l’amélioration des situations et à la recherche des solutions efficaces.
Il apparaît que la question des incivilités résulte aussi de la très grande difficulté des générations à vivre ensemble dans le respect de chacun. C’est-à-dire à communiquer, à s’écouter et à échanger. C’est pourquoi un travail dans les communes et les villages qui vise à restaurer le dialogue entre les différentes générations des habitants doit être une priorité. Aux forces de l’ordre et à la justice de mener la lutte efficace contre la délinquance et le maintien de l’ordre public. Dans les communes, il est du ressort du maire, le premier magistrat dans sa commune de garantir la sécurité de ses concitoyens. Il est justifié qu’il soit en capacité de piloter une politique d’action de prévention qui concerne tous ses administrés. Au conseiller départemental d’agir lui aussi dans l’intérêt de la population en prenant en charge la question sociale qui est très indispensable.
Kaya M. Directeur de publication