Chroniques

Entre la boue et les promesses

Il y a dans cette affaire du gymnase d’Acoua quelque chose de typiquement mahorais. Une histoire de patience usée, de rêves qui se noient dans la boue, et de décisions qui s’empêtrent dans la politique. Depuis la destruction de l’ancien plateau, le village attendait son gymnase comme on attend la pluie après la sécheresse. Et la pluie, justement, n’a pas manqué — elle a juste choisi de tomber sur le chantier.

Car ironie du sort, le terrain retenu pour construire ce lieu tant espéré n’est autre qu’une zone marécageuse, régulièrement inondée. On y érige un symbole de vitalité là où, chaque saison des pluies, la terre se dérobe sous les pas des élèves. Dans cette comédie du développement, les bulldozers et les bottes de caoutchouc partagent la même scène.

Les parents d’élèves s’indignent, bloquent l’école, et brandissent leur bon sens comme un bouclier : « On veut bien du progrès, mais pas au prix de nos enfants. » Les sportifs, eux, rappellent qu’ils en ont assez de s’entraîner en exil sur les terrains voisins. Et les élus, coincés entre deux colères légitimes, jonglent entre précipitation et prudence, calcul politique et responsabilité.

La vérité, c’est que Acoua paie les retards accumulés. Des années sans plan d’aménagement global, sans vision d’ensemble, où l’on construit au coup par coup, au gré des opportunités foncières. Résultat : les écoles pataugent dans la boue, les stades manquent de gradins, et chaque projet devient une épreuve de nerfs.

Pourtant, ce gymnase représente bien plus qu’un simple équipement sportif. C’est une promesse de dignité, une reconnaissance pour une jeunesse qui refuse la résignation. Il serait tragique qu’il devienne le symbole inverse : celui d’une population divisée, engluée dans ses contradictions.

Il faudra du courage politique — le vrai, celui qui écoute avant de trancher — pour que ce projet ne se transforme pas en fiasco de plus. Que l’on bâtisse donc, mais pas n’importe comment. Sur des bases solides, humaines avant d’être techniques. Car à Acoua, ce qu’il faut construire d’abord, ce n’est pas seulement un gymnase : c’est la confiance.

M. Kaya, directeur de publication

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