Ce vendredi matin, la cour de l’école Acoua 1 a accueilli la grande journée de sensibilisation aux risques naturels et environnementaux. Cette localité du Nord Ouest de Mayotte fait parti des villages les plus exposés au phénomène exposant sa population à des dangers multiples. Plusieurs spécialites et associations sont intervenus ce matin sur le thème devant un public très studieux.
Le docteur en géographie Fahad Idaroussi Tsimanda, et spécialiste des risques naturels fait parti des figures importantes de cette journée. La rédaction d’acoua-info est allée à sa rencontre. Interview.
Comment s’est passée cette journée de sensibilisation où vous fuguriez comme l’invité de marque?
La journée s’est bien passée, avec une partie du public prévu qui a répondu présent. Plusieurs intervenants sont intervenus sur des sujets différents, mais avec un point commun : sensibiliser la population aux risques auxquels elle est confrontée. En somme, la journée a été riche en enseignements et en découvertes.
Le seul bémol c’est que l’autorité communale et certains parents n’ont pas répondu présent à cet événement. Il faut savoir que notre système de gestion des risques et crises met au-devant de la scène la mairie, en conséquence ses représentants auraient dû répondre présents à ce rendez-vous.
Le village d’Acoua dont vous êtes originaire fait parti des localités à Mayotte les plus exposées aux risques naturels et environnementaux. Il y’a quelques années vous avez soutenu une thèse sur ce sujet. Pouvez-vous nous détailler le contenu de votre recherche?
Ma thèse traite des vulnérabilités des migrants à Mayotte face aux risques majeurs et je me suis intéressé aux communes de Mamoudzou, Koungou, Tsingoni, etc. Et questionner les dispositifs de gestion des risques et crises qui ont une approche top down, ascendante, trop technocrate, appliqués à un territoire insulaire qui a ses spécificités, difficultés, etc.
Toutefois, j’ai travaillé sur la mission EVACTSU qui consiste à géoréférencer les sites refuges vers lesquels les habitants peuvent trouver refuge en cas d’alerte tsunami. Ainsi, la quasi totalité de la plaine littorale est exposée au risque tsunami, en conséquence , un peu plus de la moitié de la population devrait être évacuée, si demain on venait à déclencher une alerte tsunami.
Après la tempête Hélen en 2014, les inondations en 2021 et le cyclone Chido et la dépression Dikélédi en 2024, faudrait-il s’attendre à d’autres formes de phénomènes dans un futur proche ou lointain?
Le risque zéro n’existe pas. Sans être alarmiste, oui, il faut rester prudent. Quand exactement ? Je ne saurais pas le dire, mais il faut en effet s’attendre à des événements similaires, avec une intensité importante, dans le futur. D’autant plus que, d’après les statistiques, le nombre de systèmes dépressionnaires a augmenté dans notre région. En conséquence, il faut rester vigilant.
D’après vous, qu’est-ce que les autorités ou la population devraient entreprendre pour éviter que ces phénomènes naturels soient moins impactant sur la vie des habitants?
Les autorités doivent travailler avec les associations afin de mieux sensibiliser la population. La population doit consolider sa maison, être attentive aux consignes données. Ne pas sortir si l’alerte n’a pas été levée, etc.
Les autorités doivent lutter contre la prolifération des cases en tôle sur leurs propriétés, car les victimes du cyclone Chido proviennent essentiellement des bidonvilles. Il est donc nécessaire d’aller à la rencontre de ces populations et de les sensibiliser du mieux possible.
En effet, elles sont présentes sur le territoire, et nous devons composer avec cette réalité. On ne peut pas leur tourner le dos, car, après tout, c’est la vie humaine qui est en jeu — et c’est ce qui compte avant tout.
Pensez-vous que la population est désormais préparée à affronter ce changement climatique où Mayotte semble complètement engagée?
Bien sûr, je pense que la population est prête à vivre avec ce réchauffement climatique avec tous les éléments qu’il puisse engendrer. En effet, Chido a été une piqûre de rappel à notre vulnérabilité.
Pendant plusieurs semaines, il a bousculé nos habitudes et nous a poussé à revoir nos constructions, à nous remettre en question sur des événements futurs, etc.
La saison cyclonique vient de débuter dans la zone Sud de l’océan indien de manière précoce selon les spécialistes. Dès ce week-end le phénomène Chenge est en cours et menace la région. Un petit conseil pour cette population déjà éprouvée?
Le conseil que je pourrais vous donner est d’écouter les consignes émanant des autorités compétentes : Météo-France, la préfecture et la mairie.
Par ailleurs, la saison cyclonique ne fait que commencer. De ce fait, nous devons rester attentifs et vigilants jusqu’à la fin de celle-ci, et ne jamais sous-estimer les consignes des autorités.
Propos recueillis par Fofana A.
