Éditorial

Le sifflet venu d’Acoua

Ils ne marquent pas de buts. Ils n’en arrêtent pas non plus. Pourtant, ce sont eux qu’on retient. Deux silhouettes sereines, vêtues de leurs tenues d’arbitre, concentrées, posées au centre du terrain. Deux arbitres. Deux enfants d’Acoua, passés maîtres dans l’art – ô combien exigeant – de l’arbitrage. Discrets, rigoureux, respectés, ils enchaînent les rencontres avec une justesse qui force le respect. Deux passionnés de handball. Un duo talentueux. Habibi et El Zaki, ces visages familiers des terrains mahorais, foulent cette semaine le sol du Palais des Sports Robert Ourbon de Créteil, dans le cadre des Finalités du handball ultramarin.

Pendant que l’ASC Tsingoni et le Combani HC défendent les couleurs de Mayotte sur le plancher, eux incarnent un autre pan du sport : celui de l’ombre, de l’autorité, du respect du jeu. Et ils le font bien. Très bien. Peut-être même trop bien pour passer inaperçus. En jeu ? L’honneur, le titre, et le plaisir du beau jeu.

À Créteil, les tribunes se remplissent chaque jour d’un public venu des cinq coins de l’Outre-mer. Les maillots changent, les dialectes aussi, mais une chose demeure : la réputation grandissante de ce duo venu du Nord de Mayotte. Au fil des matchs, les regards se tournent vers eux, non pas pour contester, mais pour saluer. Leur gestuelle est claire. Leur posture, affirmée. Ils ne surjouent pas, ne s’imposent pas – ils s’installent, naturellement. Comme s’ils étaient à la maison.

Et d’ailleurs, quelque part, ils le sont. Car cette semaine, c’est à la Maison du Handball, à deux pas du parquet, qu’ils dorment, mangent, révisent. Là où loge habituellement l’équipe de France, l’élite de cette discipline sportive qu’ils affectionnent tant. Rien que ça. Et sous l’œil avisé de Sedar, membre de la commission d’arbitrage de la ligue de Mayotte de handball, ils peaufinent ce que beaucoup prennent à la légère : l’art de faire respecter les règles tout en laissant vivre le jeu. Ils assurent, enchaînent, et confirment ce que les connaisseurs savent déjà : l’excellence peut venir d’un petit village du Nord de Mayotte, appelé Acoua.

Oui, Mayotte ne soulèvera peut-être pas le trophée cette fois. Mais elle pourra dire avec fierté que ses arbitres, eux, ont tutoyé l’excellence. Que deux gamins d’Acoua ont traversé les océans pour rappeler que l’élégance, parfois, s’exprime en un coup de sifflet bien placé. Oui, cette fois encore, Acoua s’invite au plus haut niveau en veillant à ce que le jeu reste juste, fluide. Et passionnant. Et c’est tout aussi grand. Parce que dans un monde où tout le monde veut être vu, eux prouvent qu’on peut marquer les esprits en restant justes.

M. Kaya, directeur de publication

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