Interview

“L’objectif en première année d’études supérieures, c’est de la valider”

Environ deux semaines après une rentrée scolaire particulièrement mouvementée à Mayotte et à quelques jours de la rentrée universitaire en Métropole, j’ai décidé d’évoquer un sujet hautement important pour toutes les familles mahoraises. Il s’agit des préparatifs des jeunes bacheliers(ères) mahorais(es) avant leur départ vers des contrées lointaines. Pour ce faire, j’ai la chance d’interwiever aujourd’hui Monsieur Darouèche Hilali Bacar, médiateur social académique de Lyon. Avec lui, nous évoquerons toutes les questions liées aux démarches à effectuer depuis Mayotte et en Métropole. Le natif de M’tsperé reviendra également sur l’isolement social de nos jeunes mahorais et nous donnera quelques conseils pour mieux appréhender la vie étudiante en Métropole. Interview.

Monsieur Daroueche Hilali Bacar, pourriez-vous vous présenter brièvement ? Et en quoi consiste votre travail ?

Je suis en charge de faire le suivi des étudiants et lycéens mahorais qui poursuivent leur scolarité dans les académies de Lyon et Grenoble. Je revis pratiquement mes années fac à travers le parcours de ces jeunes arrivants. Après l’obtention de mon bac, j’ai dû aussi quitter l’île de Mayotte pour poursuivre ma formation à Lyon où j’ai effectué l’ensemble de mon parcours universitaire. Titulaire d’un doctorat et chercheur associé au centre international pour les recherches et les études interculturelles en Italie(CIRSI) et à l’Institut de coopération régionale et européenne de Mayotte(ICREM). Je continue également mes travaux de recherche sur la problématique de l’expression et de la représentation de soi dans la littérature contemporaine. Donc, l’expérience de ma vie étudiante m’a beaucoup appris et mes activités de recherche académiques m’aident beaucoup pour encadrer les jeunes mahorais. Elles nourrissent constamment mes réflexions sur la mise en place de dispositifs dans l’académie de Lyon et ailleurs comme par exemple le cas du dispositif MSOMO sur la réussite scolaire et universitaire.

Quels préparatifs un(e) jeune bachelier(e) mahorais(e) doit faire avant de quitter de l’île ?

Concernant la bourse nationale et/ou départementale, il(elle) doit absolument vérifier que son dossier social étudiant est à jour au CROUS ainsi qu’à la DPSU et aucun document ne manque. Ce qui serait susceptible de retarder le versement de ses bourses. Quant à la question du logement, c’est l’autre impératif a effectuer avant le départ. 

Si toutefois, cela n’a pas été fait ou n’a pas pu aboutir surtout pour le logement?

Il faut se renseigner auprès du CROUS pour les boursiers nationaux, solliciter les bailleurs privés officiant dans le secteur des logements pour étudiants. L’idéal serait d’avoir un appartement type studio ou T1 avec un index énergétique faible à défaut d’une chambre universitaire. Ce choix aura une incidence sur votre loyer mensuel. Il faut également privilégier un bien meublé car cela limite les frais d’installation en début d’année scolaire. Se renseigner aussi sur les moyens de transport entre votre futur logement et le lieu d’enseignement. Penser aussi à trouver un garant ou caution pour les locations dans le privé. Il existe par ailleurs des dispositifs tels que la garantie Visale, la garantie-logement ou Locapass pour le garant. Penser enfin à assurer votre résidence ou appartement avant installation.

Pour revenir aux bourses nationales et aides départementales, pourriez-vous nous renseigner sur les sommes perçues mensuellement par un(e) étudiant(e) mahorais(e) ?

Chaque étudiant(e) français(e) métropolitain(e) ou ultramarin(e) en cursus universitaire a droit à une bourse nationale versée par le CROUS. Celle-ci est calculée en fonction des critères sociaux à savoir les moyens financiers des parents ou tuteurs responsables de l’élève. Les sommes perçues par l’étudiant(e) varient selon l’échelon des ressources familiales de 0 bis à 7. À titre d’exemple, un(e) jeune peut toucher de 107€ à 567€/ mois pendant 10 mois et 12 pour les ultramarins(plus juillet/août). Une particularité toutefois concerne les étudiants ultramarins, ils peuvent obtenir 2 points de plus à leur échelon grâce à l’éloignement géographique. Ainsi, ils touchent le 4eme terme ou la bourse d’été payée en juillet/août.

Par ailleurs, les jeunes mahorais pris en charge par la DPSU(ex DASU), le Conseil départemental de Mayotte leur octroie une prime d’installation de 563€ pour les primo arrivants et un complément de bourse nationale qui peut varier entre 161€ et 566€/ mois selon la pertinence de la filière choisie et le niveau d’études. Il existe aussi d’autres aides disponibles auxquelles il faut contacter votre médiateur académique une fois installé en métropole pour amples informations.

À quel mois a lieu le premier versement des bourses ?

Les bourses nationales sont habituellement versées à partir de fin septembre si toutefois votre dossier social étudiant est à jour et que vous avez songé à envoyer votre certificat de scolarité. Quant aux aides départementales, la DPSU fait de son mieux pour payer les premières mensualités en novembre ou décembre. Je rappelle également aux jeunes bacheliers d’ouvrir un compte bancaire CCP ou compte courant auprès des établissements postal et bancaire de leur choix pour pouvoir se faire verser les aides. Un compte d’épargne type livret A n’est pas adapté aux versements.

Quelles sont les démarches sociales à effectuer en arrivant en France ?

– Auprès de la sécurité sociale :
Chaque jeune bachelier(e) mahorais(e) aujourd’hui possède grâce à ses parents un numéro de sécurité sociale. Toutefois, en arrivant ici, il doit faire les démarches auprès de la CPAM pour obtenir une carte verte personnalisée. Pour ce faire, je lui conseille de consulter dès à présent le site Ameli.fr. En métropole, la Sécu prend en charge 65% des frais médicaux et le reste à votre mutuelle. Il est donc nécessaire pour vous tous de souscrire à une mutuelle étudiante ou à une complémentaire solidaire ( ex CmuC) dès votre arrivée en France. Grâce à cette démarche, cela vous évitera de devoir avancer des frais médicaux élevés après un examen biologique ou radio urgent voire à la suite d’une hospitalisation imprévue.

– Auprès de la CAF :
Comme pour la sécurité sociale, chaque ménage français dispose d’un numéro CAF, à vous de débuter les démarches sur caf.fr afin d’obtenir un numéro personnel et ainsi de mettre à jour votre dossier. Cela est d’autant plus important que grâce à la CAF, une partie de votre loyer pourrait être soumise à une aide. Sachez également que dans certaines villes comme Clermont-Ferrand, des associations telle que l’AELMA met en relation les étudiants avec ces institutions.

Quel est l’intérêt d’avoir un médecin traitant en métropole ?

En tant qu’étudiants, les jeunes pourront consulter le service de soins universitaires au sein de leurs facultés ou CROUS. Toutefois, il est fortement recommandé de solliciter et de choisir un médecin traitant car ce dernier va vous permettre de respecter le parcours de soins. Ce qui vous garantit un meilleur suivi médical et un meilleur remboursement de vos frais de santé. Grâce à ce médecin traitant, vous pourrez plus facilement consulter les spécialistes tels que les ophtalmo, gynéco ou autres orthopédistes.

Passons à la vie quotidienne d’un étudiant mahorais en Métropole :
Comment faire pour gérer mensuellement son budget ?

En contrôlant tout simplement son budget. J’insiste beaucoup sur ce point. Je donne ce conseil particulièrement aux primo arrivants. Ils doivent effectuer les grosses dépenses importantes et utiles dès leur arrivée en fonction de leurs moyens financiers à disposition. En priorité, de privilégier les courses pour la maison ( entretien, lessive, repas…) le strict nécessaire pour s’habiller, pour meubler son appartement et pour la nourriture. On n’a pas besoin de changer de téléphone ou d’ordinateur portables en arrivant ici. J’évalue ces courses à environ 1000€ auxquelles il faut ajouter les dépenses liées aux frais de location de votre logement. Sachez également qu’en métropole il existe nombre d’enseignes discount avec de la marchandise de qualité nutritionnelle à des prix très avantageux. Il est aussi inutile d’acheter des habits d’hiver en septembre, vaut mieux attendre les soldes d’hiver d’autant qu’à ce moment là les aides financières seraient déjà versées.

Dans cette optique dépensière, quels sont les pièges à éviter ?

Étant moi-même exigeant et studieux, je recommande d’éviter les nombreuses soirées étudiantes ou les sorties en boîte de nuit les week-ends. Bien évidemment, quelques soirées bien calibrées sur le planning des examens par semestre peuvent être envisagées modérément. Il faut rappeler l’objectif en première année d’études supérieures, c’est de la valider. Je leur conseille également de faire attention aux fameux bons plans et autres promotions aguicheuses telles que les offres TGV, Canal+, chaînes de sport ou les nombreux et abusifs démarchages téléphoniques…

Enfin, selon vous, comment faire pour lutter contre le  fléau de l’isolement social des étudiants mahorais dans leur chambre universitaire ?

Le confinement lié à la Covid 19 a permis de mettre en lumière l’extrême solitude de certains étudiants. Ainsi, il y a quelques mois, on a appris avec effroi le décès d’une jeune étudiante mahoraise à Saint-Etienne. Cette tragédie avait ébranlé toute la communauté étudiante et mahoraise de la Métropole. Personnellement, je conseille vivement la sociabilité, de garder le lien avec les autres. J’entends ici les camarades, les amis mahorais, ultramarins et métropolitains. Favoriser la rencontre avec des personnes d’horizon et de culture différentes, cela augmente le cercle d’amis et entretient l’ouverture d’esprit. Je conseille vivement de s’engager dans des associations culturelles, sportives ou de faire du bénévolat. Ce dernier permet de tisser un réseau et de valoriser ainsi son CV. Cela rompt aussi la solitude et les stéréotypes sur les jeunes mahorais. Il existe aussi des dispositifs tel que MSOMO dans l’académie de Lyon, Clermont et Grenoble. Cet outil permet aux jeunes mahorais en difficultés scolaires de s’inscrire dans le tissu social et associatif. Il faut également sensibiliser les jeunes à garder un lien familial et amical en permanence même avec un simple SMS. Enfin, le rôle des parents est très important, je leur demande de s’intéresser un peu plus aux études de leurs enfants, de les interroger ainsi le jeune se sentirait plus soutenu et mieux entouré.

Propos recueillis par Abdou Soumaila alias Mince

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