Éditorial

Quand les femmes chantent la mémoire et l’espérance

Ce samedi 19 avril, sous le préau de la mosquée Zawyani, les voix d’Acoua s’uniront dans une harmonie vibrante. Les tari résonneront avec une précision envoûtante, les gestes chorégraphiés viendront magnifier ce lieu chargé de sens. Cinq associations féminines, détentrices d’un art ancien et précieux, uniront leurs forces pour faire battre le cœur du village au rythme du Débaa. Bien au-delà du simple rite religieux, cette célébration tisse une mémoire vivante et renforce un lien intergénérationnel fondamental.

À Mayotte, et plus particulièrement à Acoua, la semaine suivant l’Aïd el-Fitr est l’occasion pour les associations cultuelles de faire vivre leurs traditions. Ce samedi, ce sont les femmes qui prennent la parole – ou plutôt, le chant. Chants sacrés, danses synchronisées, percussions délicates : le Débaa n’est pas seulement un art, c’est une mémoire en mouvement.

C’est un geste de transmission, une manière forte d’affirmer la place des femmes au cœur de la vie spirituelle et culturelle mahoraise. Drapées dans leurs plus beaux salouvas, parées de kichales colorés et scintillantes de bijoux, ces femmes s’adonnent à l’une de leurs plus grandes passions avec grâce et ferveur. Dans un monde en perpétuel bouleversement, où les repères vacillent et où les traditions peinent parfois à résister aux vents de la modernité, le Débaa s’impose comme un refuge. Un ancrage. Un rempart contre l’oubli.

Et cette année plus que jamais, après une fin d’année secouée par le cyclone Chido, la dépression Dikélédi et un mois de jeûne éprouvant, cette célébration résonne comme un acte de résilience. Elle devient souffle d’espoir, expression collective de beauté et de sérénité retrouvée. Le Débaa de ce samedi s’inscrit dans la continuité du grand Moulidi de Chitéti, où les voix ont déjà porté haut la ferveur et la tradition. Mais ici, à Acoua, ce sont les femmes qui tiennent le micro, qui battent la cadence, qui perpétuent une culture trop souvent reléguée à l’arrière-plan.

À travers le Débaa, elles rappellent une vérité essentielle : l’art et la foi ne sont pas ennemis. Ils sont les deux visages d’une même quête de sens, d’un même enracinement. Et ce sont ces femmes, avec leur grâce, leur force et leur engagement, qui en sont les gardiennes. Ce samedi matin, il ne s’agira pas simplement d’assister à une performance. Il s’agira d’écouter un peuple, de voir une culture vivante, de ressentir un souffle d’humanité. Et surtout, de reconnaître à sa juste valeur le rôle central des femmes dans la transmission du patrimoine mahorais.

M. Kaya, directeur de publication

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