Il y a des coureurs qui visent le chrono, d’autres qui cherchent la gloire. Et puis il y a ceux, plus rares, qui partent pour se rencontrer eux-mêmes. Soulou fait partie de ceux-là. Originaire de Mayotte, l’enfant du quartier de la Vie à M’tsangamouji vient de boucler la mythique Diagonale des Fous, cette épreuve où les jambes brûlent, mais où l’âme se purifie.
Avant le départ, il avait dit : “Je suis prêt, j’y vais le couteau entre les dents.” On aurait pu croire à une fanfaronnade de trailer excité. En réalité, c’était la promesse silencieuse d’un homme lucide : celle de tenir, coûte que coûte. Et il a tenu.
175 kilomètres de montagnes, de racines, de pierres et d’escaliers sans fin. Pas d’assistance professionnelle, pas de staff technique. Juste quelques proches — ses frères, une amie réunionnaise, sa femme — pour lui tendre un sourire, un mot, un peu de courage au bon moment.
À Cilaos, il l’a compris : il ne fallait pas subir la Diagonale, mais la dompter. Alors il a marché vite, couru juste, géré chaque minute, chaque gorgée d’eau, chaque morceau de sucre. Il a avancé, simplement, obstinément. Jusqu’à cette arrivée à La Redoute, après 44 heures et 40 minutes d’effort et de foi.
Ce n’est pas un vainqueur qui parle aujourd’hui, mais un artisan de la persévérance. Un homme qui a appris que le vrai triomphe n’est pas sur le podium, mais dans le regard de ceux qu’on inspire.
Soulou n’a pas gagné la course. Il a gagné le respect de tous ceux qui savent ce que veut dire “ne rien lâcher”. Il a prouvé qu’un Mahorais pouvait dompter les montagnes de La Réunion, avec pour seule arme une volonté de fer et un cœur battant au rythme du lagon.
La Diagonale des Fous porte bien son nom. Mais parfois, la folie, c’est juste une autre façon de dire : vivre pleinement.
M. Kaya, directeur de publication
