Billet

Un jour pas comme les autres

Un jour pas comme les autres. C’était le 27 avril 1998, à Acoua. Un jour de commémoration, celui de l’abolition de l’esclavage. Ah, l’esclavage… Cette époque maudite et odieuse, ce chapitre sombre de l’histoire, nous hante encore, nous révolte, nous étreint.

Étranglés par la honte et traumatisés par les souvenirs de cette abomination, nous, jeunes d’Acoua, avions fait le choix de revivre, ne serait-ce qu’un instant, cette douloureuse réalité. Un acte symbolique. Poignant. Nous portions autour du cou des colliers de coquillages morts et des chaînes rouillées des chantiers. Nos corps, enveloppés de feuilles de bananiers desséchées, noircis d’encre et maculés de boue ramassée aux abords des rivières, ressemblaient à ceux de nos aïeux arrachés à leur dignité.

En cette journée ensoleillée, bénie d’un ciel d’azur, nous avons arpenté les rues du village, sous la conduite sévère d’un maître esclavagiste, cruel, impitoyable, incarné avec une brutalité théâtrale. Ce fut un moment fort. Mémorable. Salutaire. Inoubliable.

Un carnaval pas comme les autres. Un cri de mémoire. Une claque d’histoire. Le public, médusé, admirait en silence. Certains pleuraient. D’autres frissonnaient. Tous comprenaient. Ce jour-là, à Acoua, l’histoire n’était plus un lointain récit. Elle était vivante. Incarnée. Partagée.

M. Kaya

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