Interview

Interview exclusive. Rozette Yssouf, une psychologue devenue docteure

 A la découverte des maux psychiques pour tenter de comprendre les problématiques de la société mahoraise ! Rozette Yssouf, auteure d’une thèse intitulée “les jeunes mahorais, entre doute et peur, le choix de la sublimation contre l’effondrement psychique” se confie sans détour. Exclusivité.

acoua-info : Rozette Yssouf, pourquoi avez-vous décidé d’entreprendre une thèse ? 

Rosette Yssouf : C’était devenue une nécessité au vue de la situation actuelle. C’était déjà une de mes ambitions quand j’étais plus jeune d’aller jusqu’au doctorat mais j’ai dû me contenter de mon petit bac +5 acquis avec tant de difficultés. J’ai eu d’abord un Master 2 en sciences de l’éducation, spécialité “Cadre d’Intervention en Terrain Sensible” afin de postuler à des postes de chargée de mission ou de responsable sur les questions éducatives dans les milieux sensibles tels que les banlieues par exemple. 

Puis ensuite mes premiers amours me manquaient, la psychologie. J’ai alors décidé de reprendre mes études alors que je venais de perdre ma mère et que je venais d’avoir mon premier enfant que je devais élever seule. Cet enfant m’a donné la force que je n’avais plus pour surmonter toutes les difficultés du monde. 

ai : Comment s’est passé vos années de recherche ? 

R. Y : C’était très très dur surtout les deux dernières années. J’ai pensé à abandonner plusieurs fois. Mais heureusement que j’avais des personnes qui m’ont beaucoup soutenu dont une personne en particulier qui me booste malgré mes difficultés quotidiennes aussi bien matérielles et financières que familiales. J’ai dû me battre pour mener jusqu’au bout cette recherche doctorale jusqu’à m’épuiser psychologiquement et physiquement (anémie, perte de poids, insomnie, tension élevée). 

J’ai pris d’énormes risques pour être là où je suis, cela n’a sûrement pas été un long fleuve tranquille. 

ai : D’où vous vient votre titre : “les jeunes mahorais, entre doute et peur, le choix de la sublimation contre l’effondrement psychique” ?

R. Y : le choix de mon titre s’est fait à la fin, après avoir écrit toute la thèse et après avoir analysé mes études de cas. Ce titre résume bien le contenu et mes analyses issues du terrain (rencontres et entretiens avec les jeunes en plus des résultats des tests psychologiques et du test d’évaluation de la personnalité). 

J’ai interrogé des jeunes de 18 à 35 ans qui ont tous réussis dans les domaines diverses, dans les études, dans l’art où dans le domaine sportif ou autre. Tous ces jeunes ont fait part d’une grande capacité de résilience malgré leurs traumatismes et leurs obstacles et leur mal être intérieur. 

J’ai été témoin de leur désir à réussir à tout prix. C’était comme le choix entre la vie ou bien la mort. Grâce à leur réussite, ils ont choisi de vivre et de se battre coûte que coûte. J’en étais très agréablement surprise. 

ai : Qu’avez-vous ressenti d’autres ? 

R. Y : J’ai ressenti beaucoup de fierté de voir autant de jeunes mahorais ou de Mayotte se battre pour réussir leur vie pour l’amour de leur île. C’était très beau à entendre et très courageux. 

Je me suis vue en eux et c’était une belle reconnaissance de mon propre parcours personnel semé d’embûches mais avec beaucoup de persévérance et de volonté, l’impossible devient possible. Ces jeunes et moi en sont là preuve vivante. 

Je suis partie de loin, d’une très mauvaise élève à une femme qui apparemment serait brillante (rire). C’est un honneur pour moi d’avoir pu mener mes recherches jusqu’au bout malgré mes propres souffrances intérieures. J’y suis arrivée enfin ! 

ai : Alors maintenant après la thèse, quels sont vos projets ? 

R. Y : C’est confidentiel pour le moment. Mais une chose est sûr, pleins de belles choses m’attendent demain. J’ai eu de belles opportunités ouvertes depuis la fin de la thèse. Et, je souhaite également faire une pause méritée pour reprendre des forces pour la suite. En effet, je suis très très épuisée. 

ai : Vous avez été médiatisée après votre thèse, qu’avez vous ressenti ? 

R. Y :  je suis un peu gênée car je veux plutôt qu’on mette en avant ces jeunes qui souffrent et sûrement aussi de nombreux compatriotes au regard de la situation de violences à Mayotte. Ma thèse fait l’anamnése de cette société et reprend des points essentiels pouvant aider à une réflexion collective et pluridisciplinaire sans minimiser le travail des uns et des autres. Tout le monde peut apporter sa pierre à l’édifice. Mais il est nécessaire et primordial de ne surtout pas négliger l’aspect psychologique. Mayotte et ses enfants en l’occurrence souffrent, nous devons pouvoir écouter au mieux cette souffrance et y apporter des solutions adéquates et cohérentes. 

ai : Peut-on encore sauver Mayotte ? 

R. Y : PEUT-ON SAUVER UNE PERSONNE QUI NE VEUT PAS ÊTRE SAUVÉE ? 

A mon avis, on ne peut pas sauver Mayotte et  surtout pas individuellement. Mais nous pouvons sensibiliser au maximum et donner à chaque professionnel une place importante pour réfléchir et trouver ensemble ce dont Mayotte aurait besoin pour revivre de façon paisible et en paix sur tous les plans. 

C’est tout le bien que je souhaite à cette île aussi belle que dangereuse à certains moments. 

ai : Un dernier message ? 

R. Y : soyons à l’écoute des uns et des autres. Soyons plus positifs afin d’attirer du positif car les idées sombres ne nous aident pas à se relever du pire de l’inhumain. Sachons travailler ensemble, à ne banaliser aucune souffrance, aucun aspect. Ensemble nous serons plus forts que seuls. Soyons plus bienveillants et compréhensifs, ne nous rendons pas la vie compliquée plus qu’elle ne l’est déjà. 

ai : merci pour cet entretien inédit. 

R. Y : De rien. Merci à vous.

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