Alors que nous rentrons en plein mois de
ramadan, un mois bénis où on jeûne et on accomplit de bonnes actions
pour espérer effacer nos petits et grands péchés, intéressons-nous à un
sujet d’actualité.
Il s’agit de la situation des mères célibataires, un fléau réel mais minimisé par un grand nombre de pères mahorais à Mayotte.
C’est une histoire banale, d’une femme et d’un homme qui se rencontrent chacun avec ses propres bagages psychiques. Ils décident de se mettre ensemble, de former un couple avec des attentes individuelles sans forcément de compromis.
Le couple fait le choix d’une relation sérieuse, d’amour ou plutôt de découverte, apprendre à se connaître, à s’aimer pour le meilleur ou le pire.
Puis la jeune femme tombe enceinte, elle avait un désir d’enfant et lui il n’était pas prêt à devenir père. Il décide de la quitter et de ne plus donner des nouvelles même après l’annonce de la grossesse.
Elle se retrouve seule et abandonnée par le père de son futur bébé.
Elle réside dans un pays sans sa famille proche autour d’elle. Elle est
vraiment isolée et elle va devenir une future mère célibataire.
Elle passera une grossesse seule avec toutes ces tsunamis
émotionnels, elle passera de la joie à la crise de larmes, de la colère à
l’angoisse, sans soutien, sans réconfort…seule elle vit son quotidien,
triste et joyeuse à la fois de pouvoir enfanter et de donner la vie: le
miracle de l’humanité.
Neuf mois sont passés, le bébé est né, c’est une petite princesse, forte et courageuse comme sa mère.
Elle accoucha seule à l’hôpital. Elle a été bien prise en charge par
l’équipe de la salle d’accouchement. Sa petite est devenue sa raison
d’être et de vivre, son antidépresseur l’empêchant de développer des
idées noires voir suicidaires. Elle tient à la vie pour aimer et
accompagner son premier enfant dans le monde des adultes aux réalités
parfois inhumaines.
Où est-il passé le géniteur de sa progéniture ?
Il aurait disparu, il était absent au moment le plus important et délicat de sa vie.
Quand il a apparu treize mois plus tard, il lui dit : “Moi aussi , ma mère a été abandonnée par mon père et elle nous a élevé toute seule, ce n’est pas un drame ce que tu as vécu. Toutes les femmes de chez nous à Mayotte le vivent et n’en meurent pas”.
Cette mère courageuse se tut et resta silencieuse. Que pouvait-elle répondre à de telles absurdités ?
Voilà
une bien et triste réalité. Cela se passe de manière tout à fait
banale, dans une île qui est musulmane à 95%. Une religion de paix, de
solidarité humaine, d’amour, d’entraide entre les frères et sœurs
musulmans du monde entier.
Nos enfants grandissent avec une figure maternelle aimante, se battant au quotidien pour subvenir aux besoins de ses enfants. Un père absent ou désinvesti dans son rôle de père.
Un père qui ne sait pas être père parce qu’il a manqué lui-même d’identification paternelle. Comment être père sans modèle de père ? Me demande un jeune homme mahorais 32 ans. En continuation son discours:” je voulais juste coucher avec cette femme qui me plaisait pour montrer à mes potes que j’étais capable de sortir avec une femme belle et intelligente. Je ne voulais pas devenir père et c’est bizarre de l’être alors que je n’ai pas éjaculé sur elle “.
En conclusion : les mères d’origine mahoraise et les mères célibataires en général souffrent beaucoup psychologiquement.
Elles doivent concilier une vie de famille et une vie professionnelle
avec tant de difficultés parfois sans aide matérielle et financière des
pères de leurs enfants. Ces derniers se sont désengagés pensant que
l’éducation est le rôle de la mère. Et qu’ils pourront continuer à vivre
leur vie sans se soucier de ces enfants “non désirés”.
Le
lien entre leurs enfants peinent à se faire, et ces derniers se
développent avec un manque qui pourrait les fragiliser tout au long de
leur vie.
Soit, ils deviennent des personnes fortes et résilients en
sublimant leur souffrance intérieure, soit, ils prennent un chemin
beaucoup plus sombre…Car l’amour maternel inconditionnel et merveilleux
comme il peut l’être ne suffit pas toujours à la construction de leur
personnalité de ces adultes à devenir. Qui peuvent souffrir de crise
identitaire et de manque de repères oscillant entre une culture
traditionnelle et une culture plus moderne.
Les enfants ont besoin de l’affection, de l’accompagnement des deux parents pour “bien grandir “ de façon stable et équilibrée.
Toutefois
beaucoup d’enfants élevés avec des mères célibataires arrivent à
devenir des individus exceptionnels et uniques. Ce qui est rassurant car
le pouvoir psychique et l’amour d’une mère pour son enfant arrive à
changer un destin éventuellement “fataliste”.
Sarah, Professionnelle de la santé psychique